Au sommaire :
- L’ANR renforce sa politique en matière d’intégrité scientifique
- Intégrité scientifique et protection des lanceurs d’alerte
- Accord entre Crossef et RetractionWatch
- Les paper mills gagnent du terrain
- Duplication massive d’approbations éthiques
- Charte de la parole publique à l’Inserm, et recommandations pour un autorat responsable par la LERU
- Le congrès ENRIO 2023 en ligne
- Ressources pratiques
- Du côté de l’Ofis
- Les dernières nominations
- Les événements à venir
À LA UNE
L’ANR renforce sa politique en matière d’intégrité scientifique
Acteurs clés dans le paysage de la recherche, les agences de financement sont aussi un levier important pour la promotion de l’intégrité scientifique. En France, l’agence nationale de la recherche (ANR), qui organise le financement sur projets, formalise sa politique en matière d’éthique, d’intégrité scientifique et de déontologie.
Dans un document qui vient compléter sa charte de déontologie, l’ANR précise les principes de cette politique et les dispositifs opérationnels visant à encadrer sa mise en œuvre. Laurence Guyard, référente à l’intégrité scientifique et auteure du document, explique la démarche.
PARTAGES D’EXPÉRIENCE
Intégrité scientifique et protection des lanceurs d’alerte : un guide européen, un éclairage sur le cadre français
La protection des lanceurs d’alerte est un sujet qui a pris de l’ampleur dans le champ de l’intégrité scientifique. Au point que le Réseau européen des bureaux de l’intégrité scientifique ou European Network of Research Integrity Offices (ENRIO) y consacre un guide. Fondé en grande partie sur les expériences concrètes des membres d’ENRIO et de leurs partenaires, il fait le point sur les bonnes pratiques à mettre en œuvre pour gérer au mieux les signalements dans les établissements de recherche ou les agences de financement. Il s’adresse en particulier aux lanceurs et lanceuses d’alerte potentiels à qui des conseils pratiques sont donnés. Ce guide s’inscrit dans le cadre de la directive européenne du 23 octobre 2019 sur les lanceurs d’alerte.
En France, parallèlement à la transposition de cette directive, l’intégrité scientifique est entrée dans le code de la recherche en 2020. Ainsi, aujourd’hui un auteur de signalement de manquement à l’intégrité scientifique peut faire valoir, sous certaines conditions, sa qualité de lanceur d’alerte, explique Olivier Leclerc, directeur de recherche au CNRS (Centre de théorie et analyse du droit) dans un entretien vidéo « Intégrité Scientifique et protection des lanceurs d’alerte, deux mondes parallèles ? ». Auteur d’un article récent sur le sujet, il y soulève la question d’une éventuelle convergence de ces deux mondes dans le cadre français.
EN CHIFFRES
43 000
C’est le nombre d’articles scientifiques rétractés recensés dans la base de données RetractionWatch database qui devient une ressource publique grâce à l’accord récent passé avec Crossref. Le soutien financier de cette organisation internationale à but non lucratif qui cherche à améliorer la publication scientifique (accessibilité, identification et liens numériques, citation etc.) fera de RetractionWatch database la plus grande base ouverte de données sur les rétractations. L’ouverture et l’automatisation de ces informations via les métadonnées associées aux publications est une avancée importante pour la correction de la science et l’évaluation de la fiabilité des publications scientifiques (lire les annonces de Crossref et de RetractionWatch). C’est un encouragement également pour les éditeurs à enregistrer leurs avis de rétractation directement auprès de Crossref et une incitation à lutter eux-mêmes contre la prolifération de citations d’articles rétractés dans de nouvelles publications. Lire les annonces de Crossref et de RetractionWatch. Pour que l’objectif global de fiabilité de la littérature scientifique soit atteint, Crossref devra aussi parer aux nouveaux types de fraude qui pourraient affecter ses propres métadonnées (lire « how-thousands-of-invisible-citations-sneak-into-papers-and-make-for-fake-metrics »).
EN GRAPHE
Les Paper Mills gagnent du terrain
Le phénomène n’en finit pas d’inquiéter le monde de la publication scientifique. À commencer par les éditeurs eux-mêmes. Dans un article récent, deux membres de l’équipe « Publishing ethics and Research lntegrity » du groupe Taylor and Francis montrent la part croissante d’articles fabriqués par des paper mills (en orange «paper mill ethics cases») parmi les articles problématiques qu’ils ont eu à traiter, avant ou après publication depuis 2020. En 2022, ils dépassent la part liée aux types de manquement à l’intégrité scientifique plus classiques (en bleu, «standard ethics cases»). Les auteures en appellent à une mobilisation de toutes les parties prenantes (lire aussi le bulletin de veille scientifique de l’Ofis).
LA RECHERCHE SUR LA RECHERCHE
Duplication massive d’approbations éthiques
En France, la pratique de la recherche clinique est strictement réglementée par la loi. Toute recherche impliquant des personnes humaines nécessite l’approbation d’un comité éthique. Un commentaire publié dans la revue Research Integrity and Peer Review s’inquiète de pratiques non conformes à ce cadre, publiées sans que les éditeurs ne le vérifient.
Les auteurs s’appuient sur l’examen de 456 études publiées par l’Institut Hospitalo-Universitaire Méditerranée Infection présentant des manquements éthiques ou légaux : 248 d’entre elles ont été menées avec le même numéro d’approbation éthique, en dépit du fait qu’elles portaient sur des sujets, des échantillons et des pays différents. Trente-neuf n’en n’avaient pas.
Sur les 85 revues contactées, ayant publié ces articles, une vingtaine avait répondu au moment de l’écriture du commentaire. PLOS Biology a réagi en émettant des expressions de préoccupation pour 49 articles. D’autres enquêtes sont toujours en cours.
Ce serait le premier cas répertorié de réutilisation d’approbation éthique à une échelle aussi massive, selon les auteurs. Ils en appellent à l’élaboration de lignes directrices pour les éditeurs sur l’exigence et le contrôle de ces approbations par la COPE (Committee on Publication Ethics). Certains éditeurs exigent déjà ces approbations mais les auteurs du commentaire proposent d’aller plus loin en systématisant ces exigences et leur contrôle.
INITIATIVES
Charte de la parole publique à l’Inserm
L’ Inserm se dote d’une « charte de la parole publique » à destination de ses personnels. Elle est pensée comme un outil pour les aider à communiquer de manière éthique, juste et transparente. Autant de thèmes abordés lors du colloque 2022 de l’Ofis, « Prises de parole des chercheuses et des chercheurs dans l’espace public : quels nouveaux enjeux pour l’intégrité scientifique ? ». L’ Inserm emboite ainsi le pas à l’INRAE qui avait publié sa « charte d’expression publique » en 2022.
Pour un autorat responsable et équitable
Les pratiques questionnables concernant l’autorat demeurent les manquements à l’intégrité scientifique les plus courants (lire « L’autorat inapproprié, en tête des pratiques questionnables », infolettre N°4). La LERU (League of European Research Universities) association de 23 universités européennes de recherche intensive plaide pour des comportements plus responsables et plus équitables et publie des recommandations à cet effet. Elles se déclinent par cibles visées -chercheurs, universités, éditeurs- et pour chacune de ces catégories sont classées selon les quatre principes du code de conduite européen (fiabilité, respect, honnêteté, responsabilité), une bonne façon de donner à ces principes une dimension opérationnelle.
À REVOIR
Le congrès ENRIO 2023 en ligne
Le congrès ENRIO 2023 « L’intégrité scientifique en pratique » organisé par l’Ofis et Sorbonne Université a rassemblé la communauté européenne de l’intégrité scientifique à Paris les 7 et 8 septembre 2023. Quelque 250 participants – acteurs de projets européens, chercheurs du domaine, référents d’établissements, représentants des instances nationales et européennes, bailleurs de fonds, etc. – ont assisté à 14 sessions plénières et à plus de 20 panels et ateliers.
Au cœur des discussions, les conditions propices au respect des exigences de l’intégrité scientifique, le rôle de l’intégrité institutionnelle, l’importance de l’encadrement doctoral, l’attractivité des métiers de la recherche, la gestion des manquements à l’intégrité scientifique, la protection des lanceurs d’alerte, les enjeux de sécurité, les implications de l’utilisation massive des outils d’intelligence artificielle etc.
Les vidéos des sessions plénières sont désormais accessibles en ligne.
RESSOURCES PRATIQUES
Mooc science ouverte : plus d’intégrité scientifique
Pour la rentrée 2023, la nouvelle version du MOOC Science ouverte de l’Alliance Sorbonne Université a étoffé ses contenus sur les questions d‘intégrité scientifique, avec notamment une intervention de Stéphanie Ruphy, directrice de l’Ofis. Le MOOC est ouvert à toutes et à tous même s’il est destiné en priorité aux doctorantes et doctorants puisqu’il entre dans le cadre de la formation doctorale obligatoire à l’éthique et à l’intégrité scientifique.
Une mini-série pour parler d’intégrité scientifique
L’office de l’intégrité scientifique américain (ORI) a lancé une nouvelle chaine Youtube. Avec en particulier une série de 6 courtes vidéos « Case studies Dr Thompson’s Lab » qui met en scène une équipe de recherche sous pression pour obtenir un financement : l’équipe du Dr Thompson. Chaque épisode raconte des situations qui conduisent les trois personnages -Dr Thomson, Amit, chercheur post-doctoral et Ashley, étudiante – à de mauvais comportements et s’achève sur une liste de points de discussions possibles. Un outil pour aborder les questions de bonnes pratiques (mentorat, autorat, bonne gestion des données etc.) au sein de sa propre équipe.
Une recherche responsable
Les éditions Quae (CIRAD, IFREMER, INRAE) publient dans leur collection « Les mémos de Quae », un ouvrage collectif (Marianne Alunno-Bruscia, Christian Duquennoi, Philippe Goulletquer, Estelle Jaligot, Antoine Kremer, Françoise Simon-Plas) consacré à l’intégrité scientifique. Préface de Stéphanie Ruphy.
Du côté de l’Ofis
Le mémo 2023
Le mémo d’aide à la désignation d’un référent à l’intégrité scientifique (RIS) et à la prise de fonction des référents à l’intégrité scientifique est un document voué à évoluer. La version 2023, disponible dans la rubrique « accompagnement des acteurs » des ressources de l’Ofis insiste particulièrement sur le principe général d’un seul RIS par établissement doté de la personnalité morale, sur l’importance de l’exercice d’une seule fonction de référent et de l’échange avec le référent en charge des questions de harcèlement (ou la personne ad hoc).
Veille scientifique
Tous les bulletins sont à retrouver dans l’espace dédié « Veille scientifique ».
En tête des sujets de ces deux mois, les essais cliniques « zombies » avec un focus sur un nouvel outil pour lutter contre ces faux essais cliniques.
NOMINATIONS
Les nouveaux référents et nouvelles référentes à l’intégrité scientifique nommées en France
Juin 2023 : Michel Dispagne, Université de Guyane.
Juillet 2023 : Estelle Jaligot, CIRAD ; Yves Millemann, École nationale vétérinaire d’Alfort.
AGENDA
8,9 et 10 novembre 2023
Escaping the (nano)bubble: the role of replication in scientific controversies
Comment les nanoparticules entrent-elles dans les cellules des mammifères ? A partir de cette question qui a suscité des désaccords scientifiques dont certains subsistent, ce symposium, organisé dans le cadre du projet européen nanobubles, propose d’explorer le rôle des réplications dans la démarche scientifique et dans la correction de la science. Une approche interdisciplinaire qui combinera des exposés de nanobiologie et des interventions de philosophes, sociologues ou anthropologues. Université Paris-cité – 160 rue de Vaugirard, 75015 Paris
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Hélène Le Meur, Responsable de l’infolettre