Au sommaire :
- Rétractations, tendance à la hausse : une bonne chose ?
- Porter la voix des référents et référentes à l’intégrité scientifique
- Intégrité et sécurité sur le radar du G7
- Signaler des fraudes scientifiques, pas si évident ?
- Acheter des fausses déclarations pour un meilleur classement
- Parlement britannique : la reproductibilité, une priorité
- Un détecteur de Paper mills pour les éditeurs
- Ligne directe chez Science
- Du côté de l’Ofis
- Les dernières nominations
- Les événements à venir
À LA UNE
Rétractation d’articles, la tendance à la hausse: une bonne chose ?
Usines à papiers, revues prédatrices, fraudes ou simples erreurs dans les publications: corriger la littérature scientifique est plus que jamais une nécessité. Non seulement pour la communauté scientifique mais aussi pour l’ensemble de la société ayant besoin d’expertise et de résultats fiables.
Les rétractations d’articles publiés sont au cœur de ce processus. Depuis plus de 12 ans, Retraction Watch observe l’évolution de cette correction post-publication et commente des sujets liés à l’intégrité scientifique. Il recense aujourd’hui 40 000 rétractations dans sa base de données. Analyse des grandes tendances avec Ivan Oransky, l’un des co-fondateurs du site.
PARTAGE D’EXPÉRIENCE
Porter la voix des référents et référentes à l’intégrité scientifique
Espace de réflexion, d’échanges, de partage et de productions d’outils, le «RESeau INTégrité scientifique» (RESINT) rassemble les acteurs et actrices de terrain que sont les référents et référentes à l’intégrité scientifique (RIS). Constitué en association depuis décembre 2022, il est ouvert aux RIS en activité ou l’ayant été. Le 24 mai 2023, ses membres se sont réunis pour décider des actions à mener : Françoise Lantheaume, sa présidente, explique les objectifs de l’association et la feuille de route de ce premier mandat.
Lors de cette assemblée a aussi été labellisé le manuel de procédures réalisé par un groupe de travail du RESINT, que l’Ofis est heureux de partager sur son site. Ce manuel fait le point sur la prise en charge des signalements par les RIS et aborde des questions juridiques.
DÉCLARATION
L’intégrité et la sécurité de la recherche sur le radar du G7
Réunis à Sendaï au Japon du 12 au 14 mai 2023, les ministres de la science et de la technologie du G7 ont réaffirmé dans une déclaration conjointe leur engagement pour la « promotion d’une recherche scientifique digne de confiance grâce à des mesures de sécurité et d’intégrité de la recherche ». Fort soutien à l’ouverture de la science, défense du respect de la liberté et de l’inclusivité académiques, importance des collaborations internationales pour relever les défis mondiaux sont les autres lignes directrices soulignées. Le tout dans le contexte des tensions politiques actuelles et sur fond de guerre en Ukraine :
« Nous sommes de plus en plus préoccupés par le fait que certains acteurs pourraient tenter d’exploiter ou de fausser injustement l’environnement de la recherche ouverte et de détourner les résultats de la recherche à des fins économiques, stratégiques, géopolitiques ou militaires. Cela porte atteinte aux principes et aux valeurs qui sous-tendent la coopération internationale en matière de recherche ouverte, transparente, réciproque et responsable, ainsi qu’à l’intégrité de la recherche, et peut présenter des risques pour la sécurité ».
Les ministres continueront donc à soutenir le groupe de travail du G7 sur les défis liés à l’intégrité et à la sécurité de l’écosystème mondial de la recherche. Ils s’engagent également à soutenir le groupe de travail sur la science ouverte avec un encouragement à «la recherche sur la recherche».
LA RECHERCHE SUR LA RECHERCHE
Signaler des fraudes scientifiques, pas si évident ?
Si l’intégrité scientifique est un sujet déclaré vital pour l’intérêt national des États-Unis, peu de données existent sur la perception qu’en ont les chercheurs réputés performants. Forts de ce constat, deux chercheurs de l’université Virginia Tech ont mené une enquête auprès de jeunes bénéficiaires de financements de la National Science Foundation. Ils ont ciblé deux disciplines «Civil and Environmental Engineering» et «Computer science and Engineering» particulièrement exposées selon ces chercheurs à une forte compétition.
D’après les résultats publiés dans Scientific reports seulement 30,7 % des répondants déclarent être prêts à signaler une situation de manquement à l’intégrité scientifique dont ils seraient témoins – 8,6 % affirment qu’ils ne feraient aucun signalement dans une telle situation. Les auteurs avancent deux pistes d’explication : la pression exercée sur les lanceurs d’alerte et le manque d’incitations à signaler les manquements. Seuls 12,7 % des répondants considèrent que ces signalements auraient un impact majeur dans leur domaine de recherche.
Questionnés sur les sanctions à mettre en œuvre en cas de manquements avérés et faussant les résultats scientifiques, les sondés recommandent comme première mesure la rétractation et la correction des articles, devant le licenciement des auteurs du manquement ou leur référencement dans un registre public.
EN CHIFFRES
70 000
C’est la somme en euros et par an que s’est vu proposer Mira Petrovic, chimiste «hautement citée» de l’Institut catalan de recherche et d’études avancées (Icrea) par l’université King Saud, en Arabie saoudite en échange d’une fausse déclaration d’affiliation ! C’est-à-dire déclarer comme premier employeur l’université saoudienne dans la base de données Clarivate, pour lui faire gagner des places dans les classements internationaux. Si la chercheuse explique avoir décliné l’offre dans le quotidien El Pais, qui a révélé l’affaire, d’autres chercheurs n’auraient pas été aussi vertueux.
VU D’AILLEURS
Parlement britannique : la reproductibilité doit être une priorité
Le récent rapport du parlement britannique, Reproducibility and Research Integrity, souligne le besoin urgent d’une vision claire des problèmes d’intégrité scientifique et de leur gestion au Royaume-Uni, avec un focus sur la « crise de la reproductibilité». À savoir la préoccupation croissante quant à l’impossibilité de reproduire les résultats de certaines recherches scientifiques.
L’enquête menée met en évidence qu’il s’agit d’un problème majeur d’intégrité scientifique. Elle bat en brèche l’idée selon laquelle les problèmes de reproductibilité seraient principalement l’affaire des sciences sociales et médicales. Tous les domaines sont touchés et doivent en faire une priorité selon le rapport, qui pointe notamment le domaine de l’intelligence artificielle comme particulièrement à risque.
Le rapport salue au passage la création en mai 2022 de UKCORI (UK Committee on Research Integrity), comité indépendant, financé et hébergé par l’agence nationale de financement de la recherche (UK Research and Innovation). Mais il déplore que la reproductibilité soit absente des priorités stratégiques publiées récemment par ce comité. Il formule alors 28 recommandations à l’adresse de tous les acteurs de l’intégrité scientifique.
Il est par exemple demandé aux éditeurs de s’engager à publier les études de confirmation, même si les résultats ne sont ni nouveaux ni frappants, ou de promouvoir les preregistered reports. Aux établissements de recherche, de rendre obligatoire l’offre de formation à l’Intégrité scientifique et à la nécessité de garantir la reproductibilité pour étudiants et chercheurs en début de carrière. Aux agences de financement, il est recommandé d’établir un état des lieux de l’impact des contrats courts sur la reproductibilité de la recherche. Le rapport insiste sur le temps long nécessaire à la recherche et à ses bonnes pratiques : des contrats minimaux de 3 ans pour les post-doc font partie des recommandations dans ce sens. A tous, est fixé l’objectif d’un 100 % de publications en accès libre, au plus tard fin 2025.
RESSOURCE
Un détecteur de PaperMills pour les éditeurs
Un an après l’annonce du projet, le STM Integrity Hub – met une première version de son détecteur d’articles issus des Paper Mills à disposition des éditeurs. La plateforme intégrité de l’association internationale Scientific, Technical and Medical Publishers (STM) réunit de nombreux éditeurs dans une approche collaborative pour développer des outils de pointe capables d’aider cette communauté à faire face aux manquements à l’intégrité scientifique. Les usines à papiers (Paper mills), qui produisent et vendent des articles frauduleux, en sont un de taille.
L’outil, sous forme d’application, permet aux éditeurs de passer automatiquement au crible les papiers qui leur sont soumis. Fondé sur 70 indicateurs clés, le détecteur indique tout problème et signale si l’article provient ou peut provenir d’une usine à papiers. A charge ensuite à l’éditeur d’aller plus loin dans son investigation. L’application doit assurer confidentialité, cryptage des données etc. et, pour rester efficace, ne dévoile pas ses critères. Elle a vocation à évoluer constamment de manière à déjouer les adaptations tactiques que les usines à papier ne manqueront pas de mettre en oeuvre.
INITIATIVE À SIGNALER
Un doute sur une publication, ligne directe chez Science
Corriger les publications scientifiques, un leimotiv pour tous. Dans Strengthening the scientific record, trois des responsables des revues affiliées au journal Science, Holden Thorp rédacteur-en-chef en tête, décrivent les nouvelles lignes directrices pour accélérer les critiques et discussions post-publication autour de leurs articles : les e-letters déposées en ligne remplacent désormais les technical comments ou technical responses soumis à l’ancienne.
Autre nouveauté notable, ils invitent également toute personne ayant des inquiétudes au sujet de l’intégrité d’un article publié dans l’une de leurs revues, à les contacter directement via l’adresse : . Le courriel sera examiné conformément au code du comité d’éthique de la publication.
Du côté de l’Ofis
L’Ofis fait le point
L’Ofis propose une nouvelle série de ressources pour éclairer une question donnée, avec deux premiers numéros en ligne :
Comment l’intégrité scientifique s’inscrit-elle en France dans la loi ? Qu’est-ce que la loi demande aux divers acteurs de la recherche ?
Peut-on désigner plusieurs référents à l’intégrité scientifique (RIS) dans un même établissement ? La fonction de RIS peut-elle se cumuler avec celle d’autres référents, par exemple référente déontologue ou référent lanceur d’alerte ?
Veille scientifique
Tous les bulletins sont à retrouver dans l’espace dédié « Veille scientifique ».
Le bulletin d’avril 2023 : en tête des sujets du mois, la contribution de l’édition scientifique à la promotion de l’intégrité scientifique et à la gestion des manquements. Et, comme enjeu : une loi utile à l’Intégrité scientifique : la loi de Benford !
NOMINATIONS
Les nouveaux référents et nouvelles référentes à l’intégrité scientifique nommées en France
Avril 2023 : Michel Rosso, École polytechnique ; Pierre Renaud, INSA Strasbourg ; Yann Serreau, CESI École d’ingénieurs.
Mai 2023 : Paul Gibson, Télécom SudParis ; Jean-Luc Wojkiewicz, Institut Mines Télécom Nord Europe ; Paul Gaborit, Institut Mines Télécom Mines Albi ; Philippe Amouyel, Fondation Alzheimer.
AGENDA
30 juin 2023
CONGRES ENRIO 2023 : INSCRIPTIONS EARLY BIRD
Réservez vos places dès à présent pour le congrès ENRIO 2023 (7 et 8 septembre 2023, Paris). Au programme des keynotes : histoire de l’intégrité scientifique par Cyrus Mody, Lissa Roberts ; pratiques actuelles dans le cadre européen par Isidoros Karatzas, Krista Varantola ; Science, bien commun par Clément Evroux ; Intégrité et sécurité par Carthage Smith ; Intégrité scientifique et science ouverte par Marin Dacos, Anne-Catherine Fritzinger. Sans oublier les défis incontournables : intelligence artificielle par Tomas Foltynek et amélioration de l’environnement de recherche par C.K.Gunsalus, Heinz G. Fehrenbach. Early bird jusqu’au 30 juin 2023 !
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Hélène Le Meur, Responsable de l’infolettre