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À LA UNE
ChatGPT, auteur de publication scientifique ?
Sortie le 14 mars, GPT4 dernière version du chatbot de la société Open AI, continue de questionner la communauté scientifique à propos des répercussions de l’usage de ces outils sur les pratiques de recherche. Une première question s’est très vite posée : ChatGPT peut-il être reconnu comme auteur d’un article scientifique ?
Dans les faits, des publications montrent que ChatGPT3 a déjà contribué à l’écriture d’articles et qu’il est, pour l’instant, difficile de détecter les textes ainsi générés. Nombreux sont ceux à reconnaitre les apports potentiels de tels outils, mais beaucoup soulignent aussi les risques pour l’intégrité de la science et l’urgence à établir des règles quant aux usages de ces programmes conversationnels. En tête, les éditeurs scientifiques qui ont réagi rapidement en adaptant leur politique éditoriale. L’Ofis a sélectionné pour vous quelques-unes de leurs premières prises de position qui donnent le ton.
EN CHIFFRES
73 %
C’est le taux de doctorants et doctorantes pour qui le nouveau serment doctoral d’intégrité scientifique est une bonne mesure, selon une enquête menée auprès des personnes inscrites en doctorat, en France, en 2022-2023 et auprès de leurs encadrants. Ils étaient 9367 doctorants à avoir répondu au questionnaire du réseau national des collèges doctoraux (RNCD) entre le 16 janvier et le 17 février 2023.
A la question : « l’article de loi qui a mis en place ce nouveau serment provient d’un amendement du sénat adopté à l’unanimité des deux chambres. De votre côté, comment accueillez-vous ce changement de la réglementation ? c’est … » Ils ont répondu :
Du coté des encadrants, l’adhésion au dispositif en vigueur depuis le 1 er janvier 2023 est forte également puisque 67% des 5553 répondants y sont favorables.
L’analyse des réponses révèle des contrastes. « Globalement, les femmes y sont plus favorables que les hommes. Les disciplines en lien avec la santé humaine se distinguent par une adhésion plus forte. 82 % des doctorants et 83 % des encadrants sont favorables dans ces disciplines, contre 71 % des doctorants et 63 % des encadrants dans les autres disciplines » expliquent Sylvie Pommier, présidente du RNCD et Bertrand Granodo, directeur du collège doctoral de Sorbonne Université dans un article publié dans The Conversation. Ils y analysent en détail l’ensemble des résultats selon les disciplines, la nationalité, l’avancement dans la thèse, etc. Ils y racontent aussi l’histoire du serment et commentent les réactions diverses qu’il suscite.
LA RECHERCHE SUR LA RECHERCHE
Panorama de dispositifs européens dédiés à l’intégrité scientifique
Il existe aujourd’hui en Europe une grande diversité de dispositifs en faveur de l’intégrité scientifique, liée aux différences culturelles, institutionnelles, aux cadres légaux et aux modes de financement de la recherche, spécifiques à chaque pays. Pour appréhender cette diversité, des chercheurs de l’université de Split proposent une approche comparative. Ils décrivent les systèmes en place dans 16 pays européens (structures, fonctionnement, politiques, procédures etc. ) en suivant une méthodologie développée dans le cadre de la 4ème World Conference on Research Integrity (WCRI) et de projets européens. Plusieurs pays ont participé à ces projets dès 2015 pour définir le type d’informations, les sources, et la forme à retenir de manière à décrire au mieux la façon dont un pays prend en charge les questions et d’éthique et d’intégrité scientifique.
L’analyse montre d’importantes disparités : les pays les plus précurseurs en sont à faire évoluer des politiques et des structures déjà établies, d’autres n’en sont qu’au début. 15 des 16 pays considérés ont mis en place un dispositif actif à l’échelle nationale, chargé des questions d’intégrité. 8 pays sont dotés d’un comité national qui instruit les cas d’inconduites.
De cet état des lieux, les auteurs tirent plusieurs enseignements : la distinction nécessaire entre éthique et intégrité scientifique, qui exige des instances et des politiques propres à chacune, n’est pas encore de mise partout. Ils observent aussi une tendance actuelle à laisser aux établissements le soin d’élaborer leurs lignes directrices et défendent l’importance de l’existence d’un organe national et d’une politique nationale pour harmoniser les pratiques et les procédures mises en oeuvre. L’objectif étant pour eux que tout chercheur ou chercheuse en Europe puisse s’attendre aux mêmes types de règles, quel que soit le pays ou l’établissement où il ou elle travaille.
VU D’AILLEURS
Tendances aux NIH
Les NIH (National Institutes of Health), qui constituent l’agence de financement américaine de la recherche biomédicale, allouent plus de 80 % de leur soutien à des projets externes (extramural research). Ils assurent un suivi du nombre d’allégations de manquements à l’intégrité scientifique qu’ils reçoivent concernant ces projets. Sur son blog officiel, Michael Lauer, responsable scientifique du programme extramural a récemment publié des données enregistrées de 2013 à 2022.
Ces données regroupent des inconduites assez diverses, dépassant le périmètre habituel des fraudes scientifiques (FFP : falsification, fabrication de données, plagiat ). Sont en effet aussi répertoriées des inconduites que l’auteur qualifie de « professionnelles », classées en cinq catégories : les problèmes liés à l’examen par les pairs, à de l’ingérence étrangère, à du harcèlement, à de la fraude au financement et une catégorie « autres » qui recouvre les fausses déclarations, litiges en matière de propriété intellectuelle ou de brevets, etc. Dans ce recensement, si une allégation implique deux types de problèmes (comme une fraude scientifique et un harcèlement), elle est comptée deux fois.
Première observation : la hausse depuis 2018 est frappante. Se gardant de toute interprétation hâtive, Michael Lauer précise que depuis cette date beaucoup d’efforts ont été déployés pour favoriser l’identification et le traitement des problèmes d’intégrité, ce qui pourrait expliquer en partie cette hausse.
Par exemple, concernant les fraudes (FFP), une campagne de sensibilisation a été réalisée fin 2018 auprès de tous les bénéficiaires de financement (voir la vidéo). Suffit-elle pour autant à expliquer l’augmentation de ce type d’allégations, dont le nombre par an restait inférieur à une centaine avant 2019 ?
Coté « inconduites professionnelles », les entorses présumées aux règles d’évaluation par les pairs sont passées de moins de dix en 2013, à près d’une centaine en 2022. Suivies depuis 2018, les allégations liées au harcèlement (y compris le harcèlement sexuel) ont significativement augmenté ces dernières années. Là encore, il est difficile de déceler la part de cette augmentation liée aux efforts de sensibilisation et à l’attention accrue portée à ces questions.
Quant aux allégations d’ingérence étrangère, étudiées à partir de 2017, elles ont atteint un pic vers 2019, pour diminuer depuis.
Veille scientifique
L’intégrité scientifique, objet de science
Parce que les travaux de recherche sur l’intégrité scientifique se multiplient et qu’ils peuvent éclairer les acteurs de terrain et le législateur, l’Ofis lance une nouvelle activité de veille scientifique. Dans le cadre de sa mission Ressources, il fait le point chaque mois sur les dernières publications. Le résultat de ce travail de veille est synthétisé dans un bulletin mensuel qui reflète la diversité des approches, des méthodes et des disciplines mobilisées. Les bulletins sont à retrouver dans l’espace dédié « Veille scientifique ».
Découvrez nos premier bulletins :
Le bulletin de janvier 2023 recense 31 publications, avec pour enjeux du mois ChatGPT et la pression à publier.
Le bulletin de février 2023, recense 27 publications avec pour enjeu du mois l’ingérence politique en science.
NOMINATIONS
Les nouveaux référents et nouvelles référentes à l’intégrité scientifique nommées en France
Février 2023 : Olivia Samuel, Institut national d’étude démographique ; Olivier Pourret, Institut polytechnique UniLaSalle ; Jean-Christophe Batsale, Ecole nationale supérieure d’Arts et Métiers.
Mars 2023 : Catherine Dureuil, Institut national de recherches archéologiques préventives ; Valérie Gaudin, Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement ; Geneviève De Saint-Basile, Institut Imagine.
AGENDA
26 avril 2023 12h30-13h50
Artificial Intelligence and Academic Integrity
Un webinaire organisé par le conseil de l’Europe, dans le droit fil de son étude Intelligence artificielle et éducation sur le mode « opportunités et défis » de l’utilisation d’outils d’intelligence artificielle dans l’éducation, notamment ChatGPT. Il s’adresse aux étudiants et étudiantes, chercheurs et chercheuses, enseignants et enseignantes et autorités publiques dans le domaine de l’éducation.
19 mai 2023
ENRIO CONGRESS 2023 : appel à contribution
Vous avez jusqu’au 19 mai 2023 pour soumettre votre contribution à la deuxième édition du congrès d’ENRIO – European Network of Research Integrity Offices. Co-organisé par l’Ofis et Sorbonne Université, le congrès se tiendra à Paris et en format hybride. Dédié aux pratiques de l’intégrité scientifique, il œuvre pour une culture européenne de la recherche de plus en plus responsable : découvrez ici les thèmes de cette édition 2023.
À noter
Publication de la déclaration de Cape Town
Nous vous en parlions déjà dans l’infolettre N°2 , en partageant le texte en préparation : cette fois la version finale de la déclaration la 7ème conférence mondiale sur l’intégrité scientifique « Promouvoir l’intégrité de la recherche dans un monde inégal » a été publiée.
Elle compte 20 recommandations. Environ 300 personnes d’une cinquantaine de pays, dont 16 pays africains et 5 pays d’Amérique du Sud y ont participé. Lire aussi la présentation qu’en fait Nature.
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Hélène Le Meur, Responsable de l’infolettre