Au sommaire :
- L’intégrité scientifique inscrite dans la loi .
- Premier rapport de la Scientific Integrity Task Force américaine.
- Une RIS face à l’usurpation d’identité de chercheurs
- Un petit guide d’hygiène numérique avec Guillaume Cabanac.
- Bilan de 10 ans de Registered papers
- Les dernières nominations
- Les événements à venir et à revoir.
À LA UNE
L’intégrité scientifique inscrite dans la loi
Source de la photo : Assemblée nationale
Dans le paysage français de l’intégrité scientifique, la publication du décret du 3 décembre 2021 pris pour l’application de la loi de programmation de la recherche (LPR) du 24 décembre 2020 marque une nouvelle étape importante.
Cette loi inscrivait l’intégrité scientifique dans le code de la recherche, qui encadre notamment l’organisation et la conduite des activités de recherche. Le décret, en 9 articles, fixe les obligations en matière d’intégrité scientifique des établissements concernés, notamment celle de désigner un référent ou une référente à l’intégrité scientifique et de lui donner les moyens d’assurer ses missions, dont l’article 3 précise le contenu.
Autre nouveauté à retenir de cette loi, les établissements visés auront désormais à remettre tous les deux ans un rapport des actions entreprises en matière d’intégrité scientifique au ministre chargé de la recherche et à l’Ofis.
VU D’AILLEURS
L’intégrité scientifique au service du peuple américain
Très attendu par l’administration Biden, le rapport ‘Protecting the integrity of government science’ rendu le 11 janvier 2022 par la scientific integrity task force est la première évaluation de l’efficacité des politiques d’intégrité scientifique des agences fédérales américaines. Dès le début de sa mandature, Joe Biden affirmait sa volonté « de rétablir la confiance dans le gouvernement par l’intégrité scientifique et l’élaboration de politiques fondées sur des données probantes, éclairées par une science forte et non entravées par des interférences politiques ».
Créé par le Memorandum présidentiel et lancé en mai 2021, le groupe de travail composé de 57 membres (scientifiques, ingénieurs, juristes, décideurs etc.) issus de 29 agences fédérales a auditionné près de 1000 personnes pour ce rapport, ce qui en fait la synthèse la plus complète à ce jour. Il identifie les actions prioritaires à court terme et jette les bases d’une coordination à plus long terme des efforts à consentir.
Ce rapport n’est qu’une première étape. La prochaine devrait donner un cadre pour la mise en œuvre de ses bonnes pratiques.
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PARTAGE D’EXPÉRIENCE
Du côté des RIS
Tout juste nommée référente à l’intégrité scientifique à l’Ifremer en 2020, Marianne Alunno-Bruscia, s’est trouvée face à un problème auquel elle n’était pas préparée : l’usurpation du nom d’un chercheur de son établissement et de son affiliation académique dans la signature d’un article. Parce que le phénomène s’amplifie et qu’il s’inscrit dans l’ensemble plus global de pratiques frauduleuses qui mettent à mal les garde-fous du système de publication scientifique (revues prédatrices, examen par les pairs défaillant, éditeurs peu vigilants, universités peu regardantes, etc.), elle partage son expérience et donne quelques pistes pour aider à gérer ce type de situation, d’autant plus complexe qu’elle se joue à l’échelle internationale.
EN CHIFFRES
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C’est le nombre d’articles affectés par un nouveau type de plagiat et parfois complètement dénués de sens détectés à la mi-janvier 2022 par Guillaume Cabanac, informaticien spécialisé en scientométrie à l’université de Toulouse III et ses collègues. Des articles pourtant publiés et vendus, par des éditeurs connus comme Springer, IEEE, Elsevier, ou IOP.
De quoi s’agit-il ? Les fraudeurs utilisent des logiciels de réécriture exploitant un thésaurus pour paraphraser avec des synonymes des contenus piochés dans des publications existantes. Suite à de multiples copier-paraphraser-coller, le nouvel ‘article-patchwork’ déforme suffisamment les sources pour passer sous les radars des logiciels anti-plagiat. Le Problematic Paper Screener, outil développé par Guillaume Cabanac et ses collègues repère ce qu’ils nomment des ‘expressions torturées’ (man-made brainpower au lieu de artificial intelligence par exemple) produites par les logiciels paraphraseurs.
En 2021, 3 articles sur 10 000 étaient de cet acabit. Une proportion qui croît, nourrie par la pression à la publication. Pour Guillaume Cabanac, distingué par le journal Nature, c’est toute la chaîne de la publication du pre-print à la post-publication, en passant par l’évaluation par les pairs qu’il faut veiller à assainir. Il y œuvre donc en repérant et signalant systématiquement les publications douteuses sur le site d’évaluation post-publication PubPeer, un spécialiste du domaine concerné peut alors prendre le relais et pousser plus loin l’investigation.
Ces signalements révèlent souvent d’autres méconduites (usurpation de noms, d’affiliation, falsification de données ou d’images etc.).
La vigilance est donc de rigueur et chaque chercheur peut à son niveau opérer une veille simple, une sorte d’hygiène numérique: Pour ce faire, l’Ofis propose une check list rapide sur les conseils de Guillaume Cabanac.
LA RECHERCHE SUR LA RECHERCHE
Les Registered Reports (RR) : premier bilan
Comment s’affranchir de certains biais de la production scientifique, liés à la course au scoop qui conduit, entre autres, à ne pas publier les résultats dits négatifs ? Les registered reports sont une tentative de réponse à cette question. Dans “The past, present and future of registered reports“ , 10 ans après leur première mise en œuvre, Chris Chambers et Louki Tzavella de l’université de Cardiff dressent un état des lieux détaillé, décrivent les variantes émergentes et donnent des conseils ciblés pour les auteurs, les évaluateurs et les éditeurs de journaux sur cette façon de publier.
Le principe ? L’approche consiste à soumettre ses travaux de recherche à un journal avant même d’avoir obtenu les résultats. L’idée est de séparer en deux étapes le processus de validation par les pairs. La première juge l’intérêt de la question scientifique posée, le protocole, la méthode, les données et tout autre moyen proposés pour y répondre -un peu comme pour les protocoles d’essais cliniques en recherche médicale. Si cette première étape est passée avec succès, le journal s’engage à publier le travail quand il sera réalisé. La deuxième consistera alors simplement à vérifier que les résultats ont été obtenus conformément au protocole validé.
Proposée en 2012, cette approche est aujourd’hui offerte par plus de 300 journaux. Quels en sont les impacts ? Les auteurs analysent les premières tendances (comme une plus forte part d’articles qui infirment l’hypothèse de départ) mais aussi les limites de l’approche et les évolutions indispensables. Par exemple, la nécessité d’accélérer la procédure de revue de l’étape 1. Ils préconisent pour cela de constituer un réseau de chercheurs qui s’engagent à travailler en un temps court, comme l’a fait la Royal Society Open Science en 2020 pour les RR portant sur la pandémie de COVID-19.
Dans le webinaire organisé par nos homologues anglais du U.K. Research integrity office, Registered reports 2.0 : introducing the Peer Community in Registered Reports Chris Chambers revient sur cet enjeu.
NOMINATIONS
Les nouveaux référents et nouvelles référentes à l’intégrité scientifique nommés en France
- En décembre 2021 : Olivier Bonato à l’Institut de recherche pour le développement (IRD) – Laurence Rouïl à l’Ineris – Thierry-Marie Guerra à l’université polytechnique Hauts-de-France – Séverine Kirchner au centre scientifique et technique du bâtiment (CSTB) – Christian Andres à l’université de Tours
- En janvier 2022 : Pierre-Henri Bertoye à Unicancer – Bernard Mignotte à l’Université de Versailles-Saint-Quentin-en-Yvelines
Vous cherchez qui est votre référent ou référente à l’intégrité scientifique : retrouvez tous les RIS sur l’annuaire de l’Ofis.
DANS LES MÉDIAS
« Comment rendre la recherche scientifique plus intègre » c’est le thème autour duquel Nicolas Chevassus-au-Louis a réuni Stéphanie Ruphy, directrice de l’Ofis et Pierre Ouzoulias, sénateur des Hauts-de-Seine dans le cadre son émission SCIENCE FRICTION sur Mediapart. Ils y commentent ensemble les récentes évolutions du cadre législatif français, largement inspirées du rapport de l’OPECST « Promouvoir et protéger une culture partagée de l’intégrité scientifique », dont Pierre Ouzoulias était co-rapporteur. A ce jour, l’émission n’est accessible qu’aux abonnés de Mediapart, mais elle devrait l’être à tous bientôt.
AGENDA
A venir : 18 Mars 2022, 14H-16H « De la science ouverte à l’intégrité scientifique : comment le décret n° 2021-1572 bouleverse la conservation et la mise à disposition des données et codes sources, la mise en œuvre des PGD et la publication des résultats négatifs », un webinaire organisé par Datactivist et Couperin.org.
Retenez la date : 9 juin 2022. Le colloque annuel de l’Ofis se tiendra au Collège de France sur le thème « Intégrité scientifique et prises de parole des chercheuses et des chercheurs dans l’espace public »
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Hélène Le Meur Responsable de l’infolettre