Au sommaire :
- Réduire la diffusion d’articles rétractés, un enjeu pour une science fiable
- USA : la nouvelle règlementation de l’ORI
- Nombre de publication scientifiques en expansion – Highly cited researchers, des critères plus sélectifs
- Le montant des APC
- Les besoins et attentes des ombudspersons en Allemagne
- La recherche sur la recherche
- Communiquer avec intégrité – Politique éditoriale de l’utilisation de l’IA dans les publications
- Ressources
- Du côté de l’Ofis
- Les dernières nominations
- Les événements à venir
À LA UNE
Réduire la diffusion d’articles rétractés, un enjeu pour une science fiable
Rétracter un article est un mécanisme essentiel pour préserver la fiabilité des publications scientifiques. Mais pour qu’il soit efficace, le statut éditorial de l’article doit être clairement et systématiquement accessible à tout utilisateur. Or, c’est encore loin d’être le cas. « 50% des articles rétractés enregistrés dans les bases de données ne sont pas étiquetés comme tels, 57% des fichiers PDFs ne le sont pas non plus. Et quand l’information existe, faute de format standard, elle reste souvent difficile à trouver », ont expliqué Jodi Schneider et Catlin Baker lors de la présentation de nouvelles recommandations publiées par l’agence de normalisation NISO (National Informations Standards Organization), dont elles sont les auteures principales.
Vers des métadonnées standardisées
Ces recommandations visent donc à pallier ce manque en proposant un standard pour les métadonnées associées aux articles et aux avis qui les concernent. Un choix pragmatique que justifient les deux chercheuses face à la diversité et la complexité des pratiques, tant du côté des éditeurs que de ceux qui diffusent ou utilisent les articles : agrégateurs, fournisseurs de contenus, vendeurs en ligne, service de documentation, plateforme de stockage, serveurs de prépublications, auteurs etc. L’objectif est de faire adopter ce standard, lisible par les machines comme les humains, quel que soit le mode d’affichage, de téléchargement ou de citation et le type d’interface (web et mobile, API). Ces recommandations rappellent également que l’information doit être accessible gratuitement et encouragent « dans la mesure du possible, à expliquer les motifs de rétractation dans les avis ».
Des outils pour éviter de citer ces articles
Ces efforts pour une information systématique et standardisée sont un pas important. Pour autant, leur mise en œuvre reste à venir. D’autres acteurs ont développé des outils qui aident à repérer ces articles, à l’instar de Guillaume Cabanac, qui en fait un panorama et invite à les utiliser dans Nature. Ainsi chacune et chacun, en tant qu’auteur peut veiller à ne pas se référer involontairement à ces résultats. Pour ce faire l’Ofis propose une fiche pratique.
Cette démarche est d’autant plus importante que plus ces articles circulent sans statut clair et bien compris – en particulier sur les réseaux sociaux – plus ils alimentent aussi les discours anti-science ou complotistes comme le montre une analyse récente des tweets concernant les deux articles rétractés sur le COVID-19 les plus largement partagés.
VU D’AILLEURS
USA : La nouvelle règlementation de l’ORI
À l’issue du processus de consultation lancé à l’automne 2023, The Office of Research Integrity (ORI) a mis à jour les règles qui encadrent la prise en charge des manquements à l’intégrité scientifique. Ces nouvelles règles, qui visent à accroître la collaboration, la transparence et l’efficacité, précisent les exigences en matière de procédures de traitement des cas, tout en clarifiant les prérogatives de l’ORI et celles des établissements de recherche concernés. Dans cette version finale, l’ORI a tenu compte des inquiétudes des établissements portant sur de potentielles violations de confidentialité ou conflits d’intérêts ainsi que sur un excès de réglementation et de lourdeurs administratives. Un « nécessaire équilibre à trouver » entre la garantie d’un examen complet des cas, la protection des protagonistes – mis en cause et lanceurs d’alerte – et le coût administratif et financier pour les établissements. Toutes ces évolutions sont expliquées en détail dans le document.
Certains déplorent un recul sur l’objectif de plus grande transparence (lire l’article de Science). Notamment sur les conclusions des enquêtes menées par les établissements, dont la publicisation faisait débat, et qui est finalement laissée à leur discrétion.
Ces nouvelles règles entrent en vigueur dès janvier 2025, mais seront seulement applicables à partir de janvier 2026, pour laisser le temps aux établissements de s’y préparer. D’ici l’office américain devrait proposer des lignes directrices complémentaires pour éclaircir certains points (lire aussi une tribune dans bloomberglaw).
Le document mentionne aussi qu’en 2023, 121 investigations ont été menées par les établissements qui relèvent de la politique de l’ORI sur environ 230 allégations reçues.
EN CHIFFRES
+ 47 %
« Les scientifiques sont de plus en plus submergés par le volume d’articles publiés ». C’est le constat d’une étude qui montre qu’en 2022 le nombre total d’articles indexés dans les bases Scopus et Web of Science a dépassé de près de 47 % celui de 2016. Une croissance sans commune mesure avec celle limitée du nombre de chercheurs et chercheuses en exercice et largement due à l’explosion du nombre de numéros spéciaux chez les éditeurs MDPI, Hindawi et Frontiers. Pour les auteurs, cette inflation est insoutenable.
« Plutôt que d’entretenir l’actuelle course à la publication, il vaut mieux consacrer notre temps à faire de la meilleure science et donc publier moins et mieux. » réagissent deux chercheurs qui commentent le résultat dans un billet publié sur le site « Ouvrir la Science ». Ils déplorent qu’un travail aussi fouillé ne puisse encore être mené sur des bases de données ouvertes. Leur analyse préliminaire à partir de la base Open Alex montre néanmoins la même tendance. Et cette inflation interroge au-delà du cercle académique ( lire l’article du Monde).
2 000
La liste des Highly Cited Researchers 2024 publiée par Clarivate distingue cette année 6636 chercheuses et chercheurs de 59 pays –les Etats-Unis et la Chine étant les deux premiers représentés. Critères de sélection et filtres de détection de publications ou citations suspectes sont affinés chaque année. Ce sont environ 2000 candidats potentiels qui ont été écartés – à comparer aux 1000 de 2023 et 500 de 2022 – , explique Clarivate, insistant sur la nécessaire évaluation qualitative des dossiers.
EN GRAPHE
Le montant des APC entre 2019 et 2023
Estimation des revenus annuels des APC (en millions de dollars US) par éditeur et par type d’accès ouvert ( gold et hybride), d’après S. Haustein et al., https://doi.org/10.48550/arXiv.2407.16551
Quelles sont les sommes perçues par les éditeurs pour publier en accès ouvert ? Autrement dit, quel est le montant des APC (Article Processing Charges), frais facturés par les revues entièrement en libre accès (gold) et les revues à abonnement pour rendre un article accessible (hybride) ? Faute de transparence sur ces chiffres, la réponse n’est pas immédiate. Une équipe canadienne de recherche en bibliométrie s’est lancée dans une estimation en combinant un ensemble de données ouvertes sur les prix des APC (gold et hybride) pour 6 éditeurs (Elsevier, Frontiers, MDPI, PLOS, Springer Nature et Wiley) au nombre d’articles en libre accès de ces éditeurs indexés par OpenAlex. Résultat, l’estimation est de 8,349 milliards de dollars au total entre 2019 et 2023 avec des montants annuels qui auraient presque triplé, passant de 910,3 millions de en 2019 à 2,538 milliards dollars en 2023. La figure donne la répartition annuelle par éditeur et par type d’accès (gold et hybride).
PARTAGE D’EXPÉRIENCE
Les besoins et attentes des ombudspersons en Allemagne
Publiée dans Accountability in Research, une enquête menée auprès des ombudpersons, homologues de nos référents à l’intégrité scientifique français, dans les établissements de recherche de la région de Berlin donne un bon aperçu du dispositif allemand. Depuis 2019, la Fondation allemande pour la recherche (DFG) impose à tous les établissements de nommer ces ombudpersons parmi leur personnel, qui exercent cette fonction à titre bénévole.
L’enquête s’intéresse à la professionnalisation de cette fonction en sondant les besoins et attentes des intéressés. Un premier volet du projet réalisé en 2020 avait souligné un manque important de soutien institutionnel. Selon, le deuxième sondage portant sur la période 2021-2023, la situation semble avoir progressé depuis. Les personnes plus récemment nommées paraissent mieux tirer parti des formations, des réseaux de partage d’expériences et de bénéficier d’un meilleur accompagnement institutionnel. Même si les mesures de soutien infrastructurel restent largement sous-développées.
LA RECHERCHE SUR LA RECHERCHE
Focus sur les facteurs incitant aux manquements à l’intégrité scientifique
« Investigating the links between questionable research practices, scientific norms and organisational culture » est une nouvelle analyse d’une partie des données de la vaste enquête internationale IRIS focalisée sur les facteurs qui favorisent les manquements qualifiés de « pratiques questionnables ». S’appuyant sur les déclarations de 39 699 répondants, elle identifie ou confirme des facteurs individuels (type de contrat, niveau de carrière, domaine de recherche, genre etc) et systémiques (pression pour publier, manque d’informations sur la politique d’intégrité scientifique les dispositifs et les personnes qualifiées de leur établissement). Elle montre aussi que l’adhésion aux normes de Merton semble protéger des écarts aux bonnes pratiques.
Pour comprendre ce que sont les paper mills
Pour les auteures de Paper Mill Challenges: past, present and future, les activités frauduleuses des paper mills qui vendent de faux manuscrits et des statuts d’auteurs, restent trop peu connues hors du monde de l’édition. Dans cet article, elles décrivent donc l’ampleur des enjeux et les modus operandi de ces organisations pour sensibiliser et informer l’ensemble du monde académique. Elles insistent aussi sur l’urgence à se doter d’outils de détection de ces faux articles avant, pendant et après le processus de publication.
L’examen par les pairs, cible de fraude
L’examen par les pairs, pilier de l’évaluation des résultats de recherche, est aussi la proie d’entreprises frauduleuses. Dans le droit fil des paper mills, les review mills proposent contre finances des review toute faites, un phénomène émergent qui reste à quantifier : The review mills, not just (self‑) plagiarism in review reports, but a step further.
À lire aussi
- Un éditorial de Nature sur l’épineuse question de l’archivage et de la conservation des publications scientifiques Act now to stop millions of research papers from disappearing, Comment garantir l’accès pérenne aux articles, à quel coût, alors que leur nombre ne cesse d’augmenter ?
- Autre nouvelle préoccupation concernant l’évaluation par les pairs : un chercheur en informatique a évalué de 6,5 % et 16,9 %, la part substantielle de texte produite grâce à un grand modèle de langage (LLM) dans les reviews de sa discipline (analyse des reviews d’articles présentés dans les grandes conférences de sciences informatiques spécialisées en IA ). Un constat qui nécessite selon lui des travaux interdisciplinaires sur la façon dont l’utilisation des LLM modifie les pratiques de recherche.
RECOMMANDATION
Communiquer avec intégrité
Considérant que l’intégrité est élément clé d’une bonne communication scientifique trop souvent négligé, la Ligue européenne des universités de recherche (LERU) émet de nouvelles recommandations. Elle y encourage les universités « à renforcer le soutien, les formations et les conseils à leurs chercheurs, pour mieux les préparer à communiquer de manière efficace et intègre ».
Elle met en avant quatre points essentiels à développer : la transparence dans la communication (déclaration de liens d’intérêts , de contextes etc) ; la maitrise d’une bonne appréhension des incertitudes relatives aux résultats présentés (apprendre à en parler clairement en évitant les simplifications à outrance) ; l’usage responsable des réseaux sociaux (apprendre à éviter les pièges des formats courts), enfin elle suggère que le soutien à l’acquisition de ces compétences en communication fasse partie des efforts déployés par l’université pour instaurer une culture de l’intégrité. Le document est assorti d’une « check list » pour les chercheurs et chercheuses.
Politique éditoriale de l’utilisation de l’IA dans les publications
Dans ses recommendations on the Use of AI in Scholarly Communication, l’association européenne des éditeurs scientifiques (EASE) fait une synthèse à date des grandes lignes directrices en matière de politiques éditoriales d’utilisation de l’IA dans les publications scientifiques. Ces recommandations s’adressent aux maisons d’édition, aux auteurs et aux reviewers. Elles s’appuient sur de nombreux exemples et guides récents en renvoyant aux ressources existantes via des liens : beaucoup de sources utiles, en un seul document.
RESSOURCES
Déontologie de la recherche et intégrité scientifique
Chercheur en droit, Olivier Leclerc livre dans cet ouvrage, publié aux PUF, un exposé clair des exigences qui constituent la déontologie de la recherche et l’intégrité scientifique. Il y explique l’évolution récente des règles qui encadrent les activités de recherche scientifique en France et à l’international ainsi que l’émergence et la dynamique d’un champ de recherche nouveau propre à ces activités. Olivier Leclerc avait aussi collaboré avec l’Ofis pour apporter son éclairage sur le statut de lanceur d’alerte.
Un vocabulaire commun pour la revue par les pairs
Une terminologie de l’évaluation par les pairs partagée par tous les éditeurs renforce la transparence, la cohérence et permet une meilleure lisibilité des pratiques pour toute la communauté. Ce postulat a conduit la NISO (National Informations Standards Organization) et l’association STM (Scientific, Technical &Medical Publishers) à élaborer cet outil commun qui fournit des définitions pour quatre registres: transparence de l’identité, interactions entre les évaluateurs, informations sur le processus d’évaluation publié et commentaires post-publication.
Du côté de l’Ofis
« Qu’est-ce qu’un manquement à l’intégrité scientifique? »
Dans cette fiche, l’Ofis propose une classification des pratiques qui nuisent à la fiabilité des résultats et au bon fonctionnement des communautés de recherche, selon les différentes dimensions des activités de recherche qu’elles affectent. La caractérisation en manquement de ces pratiques découle d’une instruction qui s’appuie sur une analyse scientifique des faits et prend en compte des éléments contextuels, comme l’intention, la gravité ou la récurrence.
« Intégrité scientifique, comment agir dans votre unité »
L’Ofis propose une boîte à outils, composée d’une présentation sous forme d’un jeu de diapositives dans lequel piocher et d’un livret d’accompagnement, pour aider les directrices et directeurs d’unité de recherche à promouvoir l’intégrité scientifique et les bonnes pratiques de recherche dans leur unité.
Éléments pour une page web « intégrité scientifique »
Vous souhaitez mieux faire connaitre l’engagement de votre établissement en matière d’intégrité scientifique –politique et dispositifs mis en œuvre : l’Ofis met à votre disposition
des éléments clés pour compléter ou concevoir une page web dédiée à l’intégrité scientifique.
Questions d’intégrité, de déontologie ou d’éthique ?
Une nouvelle infographie interactive présente des situations concrètes qui posent des questions d’intégrité scientifique, de déontologie ou d’éthique de la recherche, ou les deux ou trois à la fois. Une déclinaison en diaporama est téléchargeable.
NOMINATIONS
Les nouveaux référents et nouvelles référentes à l’intégrité scientifique nommées en France
juillet 2024 : Geneviève Lameul, Université Rennes 2 ; Stéphanie Gibot-Leclerc, Institut Agro Dijon ; Christian Legros, Université d’Angers; Aurélien Madouasse, Oniris VetAgroBio Nantes ; Olivier Sandra, INRAE ; Philippe Sansonetti, Collège de France ;
Septembre 2024 : Laurent Bourgeois, ENSTA Paris ; Alexis Lebis, IMT Nord Europe ; Marie-Claire LeBourdellès, Inrap ; Marc Lethiecq, Insa Centre Val de Loire ; Claudine Pique, CNRS ; Olivier Thual, Toulouse INP ; Fabienne Touchard , ISAE-ENSMA ;
Octobre 2024 : Frédérique Bordignon, École nationale des ponts et chaussées ; Laurent Denis, Le Mans Université ; Maria J. Esteban, Université Paris Dauphine-PSL ;
Novembre 2024 : Philippe Clerc, CNES.
AGENDA
10 février 2025, 10h-12h
Atelier pour les référents à l’intégrité scientifique : traitement des signalements relatifs à l’intégrité scientifique
Nouvelle session du deuxième volet du cycle de formation proposé par l’Ofi s à destination des référents et référentes. Elle se déroule sous forme d’atelier pour favoriser les échanges, entre RIS expérimentés et RIS nouvellement nommés, sur les questions de procédure de traitement de signalement : recevabilité d’un signalement, droits des protagonistes, outils et méthodes de l’enquête & de rédaction d’un rapport, confidentialité etc.
Contact
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Hélène Le Meur, Responsable de l’infolettre